Citer dans un discours constitue un exercice plus délicat qu'il n'y paraît à première vue.

Ce peut-être une « bouée de sauvetage », pour venir au secours d'un propos laborieux. Ou bien une manière de tomber dans la facilité. On s'exonère ainsi quelque effort, s'épargnant d'avoir à chercher ses propres mots pour exprimer les idées importantes.

A l'évidence, la citation doit venir « à propos » : au bon moment, dans le bon tempo. Elle illustre, elle complète, elle surligne. On s'évite alors la paraphrase : c'est une façon élégante de redire, sans lasser son auditoire. La pédagogie consiste plus que jamais dans l'art de la répétition.

Si elle contient un trait d'humour, la citation produit un moment opportun et plaisant de respiration. Cela facilite l'assimilation d'un point principal du discours. En d'autres termes, sa « cristallisation » dans le cerveau des personnes vous écoutant. Il est ensuite possible de repartir pour exposer un autre élément. On peut faire aussi apprécier l'esthétique d'un propos qui est bien construit et très expressif.

Citer demande un minimum de rigueur : ne pas se tromper d'auteur, ne pas « écorcher » son mot d'esprit, ne pas mélanger plusieurs citations ou plusieurs auteurs dans une même mention... Généralement, il y a toujours quelqu'un dans l'auditoire pour connaître les termes exacts, et en faire état autour de lui : l'attention d'une partie de votre public est détournée. De quoi pâtir d'un jugement mitigé en termes de sérieux ou de rigueur, voire subir l'accusation d'imposture...

Par ailleurs, il faut se méfier des auteurs trop connus, dont la phrase peut paraître alors « tarte à la crème ».

Camus et ses sentences, Chamfort et ses maximes, Coluche et ses réparties... : il peut y avoir une sorte d'usure à les voir déclamés de manière systématique. A contrario, des auteurs méconnus ou inconnus peuvent susciter soit l'interrogation (existent-ils vraiment ?), soit l'indifférence, à moins qu'il s'agisse d'un jeu – mais qui peut être apprécié des seuls « initiés » : c'est le cas très particulier des contrepèteries...

A trop vouloir briller, en voulant se « parfumer » de propos d'intellectuels célèbres, on peut aboutir à l'effet inverse : passer pour léger, ou paresseux ou insignifiant...

Citer, oui , mais pour susciter et expliciter. Susciter une émotion, un sentiment un étonnement ; expliciter, une idée difficile à exprimer, une notion savante, un propos délicat...